Proposer une conférence – la réponse au CFP
Vous aimeriez être orateur ou oratrice dans une conférence tech ? C’est une excellente idée ! La première étape est la rédaction de la proposition, la fameuse réponse au CFP, ou proposition de talk (oui, les techs aiment les anglicismes).
L’acronyme CFP – Call For Papers – vient des conférences académiques où le paper est un article de recherche. On utilise le même terme pour les conférences tech, mais c’est un exercice très différent. On voit aussi CFS pour Call For Speakers. Bien que plus rare, c’est finalement plus adapté !
La proposition de talk est la plaquette commerciale de votre conférence : elle doit donner envie aux organisateurs de vous sélectionner et aux participants de venir vous voir. Les organisateurs reçoivent généralement 5 à 10 fois plus de propositions que de créneaux disponibles, et les participants doivent choisir entre des dizaines de conférences. Il faut donc y prêter autant de soin qu’à la préparation de la conférence elle-même !
La proposition comporte différents éléments au service du sujet dont vous voulez parler :
- le titre,
- la description,
- le thème / catégorie : front-end, cloud, IA, etc,
- le format : conférence, quickie, atelier, etc,
- les notes et références pour les organisateurs.
Il faut évidemment commencer par définir ce sujet ! De quoi allez-vous parler ?
Le sujet
Les sujets peuvent être très divers : retour d’expérience sur un projet, présentation d’une technologie ou d’une méthode que vous appréciez, vulgarisation sur un thème un peu théorique, utilisation créative d’outils ou de techniques, etc.
Le point primordial est que le sujet doit vous intéresser, vous enthousiasmer. C’est la condition pour que vous y mettiez le cœur nécessaire pour être un conteur ou une conteuse, pour convaincre les organisateurs et plus tard embarquer le public avec vous.
Vous devez évidemment bien connaître le sujet, mais nul besoin d’être un expert de niveau mondial, il suffit d’en savoir plus que la majorité du public. Un retour d’expérience sur un apprentissage peut aussi être un sujet passionnant !
“Je voudrais parler de ça, mais ça a déjà été fait”. Tout d’abord, tout le monde ne regarde pas toutes les conférences publiées sur YouTube (il faut aussi qu’on bosse !). Ensuite votre approche et votre expérience du sujet sont uniques. Si le sujet vous passionne, ne vous bridez pas pour ça !
Vous avez le sujet, passons à la rédaction de la proposition. À noter qu’il n’est pas nécessaire de préparer le talk avant d’envoyer la proposition : vous devez avoir sa structure en tête, mais vous ne passerez à l’écriture que si la proposition est acceptée.
Le titre
Le titre doit être clair et poser la thématique de votre présentation. C’est lui qui doit attirer l’œil des participants quand ils et elles vont scanner le programme.
Soyez prudent avec les jeux de mots, dont l’interprétation est souvent liée à un contexte que tout le monde n’a pas forcément.
La description
Les bonnes descriptions ont souvent une structure similaire :
- le contexte,
- le sujet dont on va parler : problème, nouveauté, retour d’expérience…
- ce que vous allez raconter,
- ce que l’audience va retirer de votre présentation.
Vous êtes évidemment libres de la structurer à votre goût, mais cette approche garantit que tous les éléments importants sont là, dans une progression logique. N’hésitez pas à lire les descriptions des conférences passées pour vous inspirer de leur structure !
Point important : la description n’est pas la bande annonce d’un film, et il ne faut pas craindre les spoilers, au contraire. Les organisateurs et le public doivent savoir à quoi s’attendre, et il n’y a pas de critiques qui auront vu le talk en avant-première pour donner leur avis.
Les notes aux organisateurs
Les notes aux organisateurs vous permettent de donner plus de détails sur vous et votre présentation. Elles permettent de mieux percevoir ce que vous allez apporter au public.
Sur votre présentation, vous pouvez détailler son plan, son positionnement dans son domaine technique, et aussi mentionner si nécessaire des besoins particuliers comme une table pour une démo avec du hardware, etc.
Sur vous, vous pouvez expliquer le contexte qui vous amène à faire cette proposition, donner des références sur le même talk dans une conférence précédente, ou d’autres talks que vous avez donnés, en conférence ou en meetup.
Si vous êtes primo-speaker, ne pas avoir de références n’est pas bloquant : la qualité de la description et l’enthousiasme qui transparaît feront la différence. Malgré tout, faire des présentations dans des meetups avant d’attaquer les conférences vous donnera une expérience utile.
Et concrètement, ça donne quoi ?
Pour illustrer concrètement cette progression, prenons le talk de Rémi Verchère au DevFest Toulouse 2024 qui a fait une très bonne proposition.
Titre
Du GPU dans mes conteneurs !Description
Après avoir validé le POC du dernier projet IA, à grands coups de requêtes vers OpenAI, la DSI met le holà, impossible d’envoyer des informations de l’entreprise à un service tiers, on va gérer nos LLMs sur nos propres clusters Kubernetes !
Cela demande par contre d’avoir des GPUs (sic) pour que ce soit performant, accessible aux applications conteneurisées, mais alors comment ça marche ?! Et puis les GPUs c’est cher, c’est rare, comment les utiliser au mieux sans exploser les budgets ?
Je vous propose alors de voir ensemble comment, grâce à l’opérateur “NVIDIA GPU Operator“ on peut accéder à ces fameux GPUs : installation, configuration, interaction avec l’hôte et gestion des modules noyau, mais surtout les contraintes et divers modes de partage de ressources (time-slicing, mig), et d’autres add-ons sympa comme le “node-feature-discovery” pour utiliser au mieux les ressources, le tout en mode pas-à-pas.
Après cette session, mes équipes de devs pourront enfin avoir du GPU dans leurs conteneurs !
- Le titre : accrocheur, décrit précisément le sujet.
- Le contexte : on veut faire de l’IA, mais conserver les données de l’entreprise.
- Le sujet : comment fait-on pour utiliser des GPU sur Kubernetes ?
- Ce qu’on va raconter : l’opérateur Kubernetes NVIDIA et sa mise en œuvre.
- Ce que l’audience en retire : la capacité d’utiliser des GPUs dans des conteneurs.
Cette description va aussi dans une technicité croissante : la description est accessible aux non spécialistes du sujet, tout en donnant un aperçu attirant pour le public plus averti.
Rémi a aussi mis des notes pour les organisateurs :
Notes aux organisateurs
Titre alternatif : « Quand est-ce que tu mets du GPUs dans mon conteneur, Kevin ? »J’hésite avec la track « Cloud / Infrastructure » vu que c’est très lié aux GPUs et conteneurs plus que des notions d’IA.
On parle beaucoup d’IA côté dev, mais pas assez côté « ops ». L’idée de ce talk est donc de montrer côté infra comment ça fonctionne en environnement conteneurisé.
Sur un projet client, j’ai pu faire quelques expérimentations, que je trouve judicieux de partager.
Enfin, lors de la kubecon 2024 beaucoup de sujets I.A., notamment sur les problématiques de gestion des ressources, sujet donc d’actualité !
Bonne sélection !
Proposer un titre alternatif n’est pas une bonne idée : c’est votre talk, c’est à vous de faire un choix ! Si un sujet est sélectionné par les organisateurs et qu’ils estiment qu’il y a des ajustements à faire, ils vous contacteront. D’ailleurs cette 2ème proposition est moins bien : qui est ce Kevin ? Pourquoi pas Julien ou Nico ?
L’interrogation sur la catégorie est légitime, parce qu’effectivement la proposition est à cheval sur deux thèmes. S’il est rare que les organisateurs demandent des changements sur le texte, il est plus fréquent qu’ils changent la catégorie en fonction de la politique éditoriale de la conférence et aussi pour équilibrer les sujets (spoiler : l’IA, on a des tonnes de propositions).
Puis vient un peu de contexte où Rémi explique qu’il s’agit aussi d’un retour d’expérience, ce qui appuie sa légitimité à parler du sujet.
Et il finit par une petite note pour les organisateurs. Ça ne changera pas l’évaluation, mais ça fait toujours plaisir 🙂
Le storytelling
La description de Rémi commence par une petite histoire. Le niveau de storytelling à mettre dans une présentation ou sa description est un grand débat. Un peu, beaucoup, pas du tout ? Personnellement je dirais “avec modération” !
Le storytelling aide à ancrer le récit dans un contexte, comme si c’était un vrai retour d’expérience. Mais il doit rester léger et au service du contenu. Inutile d’inventer un nouvel épisode de Star Wars : s’il y a trop d’enrobage, le public sera concentré sur la narration et, même s’il aura passé un bon moment, il oubliera rapidement un contenu trop dilué.
Et surtout, un storytelling trop développé peut laisser aux évaluateurs l’impression que le fond ne vaudra pas la forme. C’est donc un équilibre à travailler et surveiller.
Le storytelling a un réel intérêt lorsque vous avez plusieurs parties : il constitue le liant, le fil rouge qui produit un tout cohérent. Un excellent exemple est la présentation de Stéphane Trébel sur les méta-lois, où les aventures de Laurie forment un tout progressif.
Avant de cliquer sur “envoyer”
Vient le moment fatidique où vous devez cliquer sur “envoyer”. J’y vais, j’y vais pas ? Généralement vous ne pouvez pas modifier votre proposition après l’avoir validée, parce qu’elle passe dans le processus de revue. Il est toujours possible de demander aux organisateurs, mais c’est à éviter autant que possible.
Note : l’outil que nous utilisons pour DevFest Toulouse vous permet de modifier votre proposition pendant une heure après l’avoir envoyée. Parce qu’on sait tous que c’est juste après avoir cliqué qu’on voit un petit truc à corriger 😛
Donc avant d’envoyer :
- Relisez-vous, et surtout faites-vous relire. D’autres personnes pourront vous dire si votre proposition est compréhensible, cohérente et si ça leur donne envie.
- Passez votre texte au correcteur orthographique ! Vous pouvez avoir des problèmes avec l’orthographe, mais des relecteurs et des gens du public vont tiquer sur les fautes, et ça peut affecter leur perception de votre proposition.
Et… clic, c’est parti ! Respirez un grand coup !
Et une mauvaise proposition, ça ressemble à quoi ?
Sur les 400 propositions reçues chaque année, près de 90% sont rejetées. Beaucoup sont de qualité, mais les places sont limitées. D’autres sont clairement à revoir, ce qui a motivé en partie l’écriture de cet article.
Ne faites pas de propositions rédigées par ChatGPT ! C’est un excellent outil pour débloquer le syndrome de la page blanche, mais le texte doit être le vôtre. C’est votre présentation, c’est vous qui parlez ! Les propositions qui “sentent” trop le texte généré ont de grandes chances d’être éliminées d’office.
Certaines propositions sont surprenantes, comme celle-ci. Son auteur a fait 8 propositions dans le même style sur des sujets totalement différents. Ça nous a d’ailleurs conduits à limiter à 3 propositions par personne 😆
Titre
Que se passe-t-il lorsque le passé rencontre l’avenir ?Description
Que se passe-t-il lorsque make rencontre docker ?Ou bien, reformulé autrement, quel est le résultat de l’union d’un outil de développement de plus de 50 ans avec l’un des plus modernes du marché ?
Ou bien encore, que se produit-il lorsqu’un logiciel à la puissance totalement méconnue de la plupart des développeurs d’aujourd’hui est mis en œuvre au côté de l’un des plus connus ?
Et puis, pourquoi faire une telle chose ? Pourquoi marier un vénérable vieillard de 50 ans avec un pré-adolescent de 10 ans ?
Et si, pour une raison improbable, c’est effectivement pertinent, comment faire ?
Comment associer la Bête et la Belle ?
La réponse à ces questions vous intéresse ?
Vous voulez savoir s’il s’agit d’une comédie romantique ou bien d’un récit d’épouvante ?
Alors, venez ! J’ai les réponses à ces questions !
Que penser de cette proposition ? Ça va parler de make et Docker, mais encore ? Ça n’est qu’une série de teasers sous forme d’interrogations qui n’apportent pas de précision. Pour en savoir plus, il faudra venir. Désolé, mais il en faut plus pour nous convaincre de passer 45 minutes à écouter des réponses à des questions aussi floues sur un sujet aussi vague.
D’autres propositions sont assez impénétrables, comme celle-ci :
Titre
RPA … voiture balaie des processus IT à digitaliser ?Description
La RPA a le vent en poupe.Comme si cela était quelque chose de nouveau, toutes les entreprises se mettent à communiquer sur ces fameux processus « manuels » qui passent sous RPA, « pour alléger les tâches humaines » et « redonner du sens aux actions des gestionnaires ».
Moi je dis : il est temps !
Voilà plus de 40 ans que certains humains répètent ces mêmes automatismes pour saisir ou contrôler des données !
Et si la RPA n’était pas juste le dernier moyen de racler les fonds de tiroir pour enfin passer au tout numérique ?
Mais c’est quoi la RPA ? C’est le sujet du talk, et il n’est pas défini. Certains acronymes comme CPU et GPU ne nécessitent pas de définition, mais celui-ci est inconnu de la plupart des organisateurs. Comme il semble s’agir d’un talk d’introduction, il aurait fallu commencer par ça. Et les notes aux organisateurs n’aident pas plus, elles parlent encore de RPA…
C’est là que le conseil “faites-vous relire” aurait pu permettre d’améliorer la proposition. L’auteur est manifestement un spécialiste du domaine qui n’a pas su se mettre à la portée du public ciblé. Un avis extérieur aurait certainement permis d’éviter ça.
Et une dernière pour la route :
Titre
Le Cloud Native dont vous êtes le HérosDescription
Dans le but de mettre en avant les enjeux apportés par le développement Cloud Native, venez jouer au jeu de rôle du développeur Cloud Native. En vous mettant dans la peau d’un développeur d’une application sur le cloud, Vous avez quelques minutes avec vos collègues pour débattre des avantages et inconvénients des réponses à des problématique courantes, tout en protégeant les intérêts de votre rôle secret.
Le titre définit le thème, mais “dont vous êtes le héros” ? La description est essentiellement un storytelling de type serious game, mais on n’a aucune idée de ce qui va être présenté. C’est visible dans les commentaires de l’évaluation : “pas assez de détail”, “trop vague”, “je ne comprends pas de quoi il va parler”, et il n’y a pas de notes pour les organisateurs qui auraient pu donner les précisions indispensables.
C’est à vous, maintenant !
Avec tous ces conseils et exemples, vous voilà maintenant équipés pour rédiger une belle proposition pour DevFest Toulouse 2025 ! Alors à vos claviers, le CFP ouvre le 7 avril, jusqu’à début juin !
Et si vous n’êtes pas encore à l’aise, DevFest Toulouse et les communautés toulousaines organisent un meetup “devenez conférencier ou conférencière” le 28 avril. L’occasion de rencontrer l’équipe et des orateurs et oratrices expérimentés !